54% des personnes ne faisant jamais ou peu de vélo déclarent ne pas se sentir en sécurité à vélo (Baromètre cyclable FUB, France, 2021)
En cette période d’Halloween, petit·es et grand·es aiment se faire peur en racontant des histoires effroyables, paré·es des plus beaux déguisements. Toute l’année cependant, c’est aussi la peur qui éloigne de potentiel·les cyclistes du vélo pour leurs déplacements du quotidien. À l’occasion de cette traditionnelle fête de l’épouvante, Strasbourg À Vélo s’est penchée sur ce sujet très préoccupant pour l’avenir de nos mobilités.
Dans cet article, nous avons choisi d’aborder les peurs liées aux accidents et aux diverses blessures corporelles qui émergent des aménagements existants. Nous ne traiterons donc pas des peurs relatives aux risques matériels.
Si l’attitude des autres usager·es peut participer à l’émergence d’un sentiment de peur, nous pensons que les aménagements sont facteurs d’aggravation ou de réduction des risques. C’est donc des aménagements dont nous allons parler.
La peur étant un sentiment personnel, l’ensemble des cyclistes n’y est pas confronté·e de la même manière. Cette émotion est hautement pertinente et légitime pour penser et évaluer les aménagements cyclables.
Le manque de visibilité, source d’insécurité
Cette saison où la nuit se prolonge nous rappelle à quel point la visibilité est un facteur majeur dans le sentiment de sécurité. Elle nous permet d’anticiper la présence des autres usager·es ou d’éléments potentiellement dangereux sur la piste (branches, trous, panneaux “cyclistes pied à terre”…). C’est le moment de rappeler que les nuits s’allongent : Cyclistes, brillez (FUB) !
En dehors de l’hiver et de la nuit, certains virages ou montées nuisent également à la bonne visibilité et imposent aux cyclistes de redoubler de vigilance.
Si les cyclistes expérimenté·es savent éviter ces pièges, ce n’est pas forcément le cas des novices qui risquent d’être mis·es en difficulté par des aménagements médiocres.
C’est donc un point d’attention important dans l’étude des projets cyclables car les différents éléments qui entourent la piste vont évoluer avec le temps (végétation, présence de véhicules, etc) entraînant une modification de la visibilité.
Deux axes structurants qui, la nuit, génèrent anxiété et peur en raison d’un manque de visibilité et d’une sensation d’enfermement.
La visibilité de la route empruntée et des abords est aussi indispensable à certaines heures pour rassurer de la peur d’une mauvaise rencontre. Ainsi en relayant certains axes de la Vélostras loin de l’éclairage public ou dans une zone mal fréquentée, on dissuade de nombreuses personnes de rentrer à vélo.
Le faible éclairage et le sentiment d’enclavement peuvent entraîner une certaine appréhension et la nécessité de prévoir des itinéraires alternatifs pour les déplacements de nuit.
Itinéraire permettant de rejoindre Koenigshoffen depuis la Laiterie et Montagne Verte, cette voie verte au faible éclairage est particulièrement anxiogène la nuit, notamment en raison de la présence du bois adjaçent et de l’impossibilité de fuir latéralement en cas de problème.
Il faut noter que d’autres facteurs s’ajoutent à la peur de l’agression : l’absence de visibilité de la part des autres usagers qui pourraient venir nous secourir, la difficulté de manœuvrer ou de faire demi-tour et de prendre rapidement de la vitesse. Aussi le tunnel est souvent pointé du doigt comme un aménagement anxiogène, notamment par les femmes, en raison du manque de visibilité et du sentiment de resserrement qu’il procure.
La nuit, les tunnels génèrent appréhension et inconfort en raison d’un manque de visibilité et de la sensation d’enfermement
Rails du tram, verglas, neige… et c’est la chute !
La visibilité est d’autant plus nécessaire que certains axes sont naturellement très accidentogènes. Outre l’usure naturelle des pistes ou les racines d’arbres, on retrouve au centre-ville les rails de tramway et certains aménagements à des carrefours qui peuvent surprendre de par leur angle trop élevé ou abrupt.
Dans le cadre des nouveaux projets d’aménagements cyclables liés au tram, Strasbourg À Vélo est particulièrement vigilante aux rayons de giration afin de permettre aux cyclistes de franchir les rails du tram en toute sécurité.
Au milieu d’un trafic motorisé élevé et permanent, personne n’a envie de tomber à cause d’une bordure dangereuse ou d’une traversée tram dangereuse pour les cyclistes.
Si certains aménagements semblent inoffensifs en été, le risque s’élève quand la température baisse et que le verglas fait son apparition. Ainsi, les revêtements ou les plaques métalliques deviennent encore plus glissants. Une chute sur une piste cyclable séparée de la route est bien différente d’une chute sur une bande cyclable à proximité des roues d’un véhicule motorisé. Une chute sur la neige ou le sol sera probablement moins grave qu’une chute dans l’Aar ou un canal presque gelé.
Une piste séparée du trafic mais dangereusement proche : en cas de dérapage sur les nombreuses grilles d’arbres ou de dérapage fatal dans le virage à 90°, on tombe directement sur la voie motorisée.
Lors des chutes de neige, le verglas devient invisible et s’avère d’autant plus dangereux qu’il provoque autant la perte de contrôle d’un vélo que d’un véhicule motorisé. C’est pourquoi Strasbourg À Vélo défend le déneigement systématique des pistes cyclables afin de garantir la sécurité des cyclistes dans cette période particulièrement difficile.
Espaces partagés, cyclistes angoissé·es
L’espace partagé avec le trafic automobile reste bien souvent la configuration la moins rassurante, surtout en ces temps où le poids et les tailles de véhicules augmentent de plus en plus, accentuant la différence de gabarit avec les cyclistes et le manque de visibilité des conducteur·ices.
En roulant sur la chaussée, les cyclistes entraînent naturellement une réduction de la vitesse automobile, réduction à laquelle des automobilistes réagissent trop souvent en adoptant une conduite dangereuse, caractérisée notamment par les dépassements rasants.
La rue Principale à Schiltigheim montre bien que la création d’une vélorue et la pose de deux panneaux ne suffisent pas à effacer l’anxiété des cyclistes qui l’empruntent au quotidien. Sans contrainte, une partie des automobilistes useront de leur klaxon, de dépassements dangereux (en utilisant la piste cyclable en contresens) et d’accélérations pour arriver plus vite (aux feux rouges).
Face aux véhicules motorisés, les cyclistes sont vulnérables : les aménagements cyclables se doivent de ne pas accentuer cette vulnérabilité.
Un même sentiment d’anxiété naît de l’utilisation des bandes cyclables ou des chaussidous situées entre la circulation automobile et les places de stationnement en raison du risque d’emportiérage, comme actuellement sur l’avenue de Colmar.
Le passage par une rue en double-sens cyclable occasionne également souvent une certaine appréhension en raison de la cohabitation souvent difficile avec des automobilistes qui s’engagent sans ralentir ni observer la présence d’un vélo venant en face.
Strasbourg À Vélo a demandé cette année la pose d’un marquage de couleur aux intersections menant vers des rues à double-sens cyclable afin de sensibiliser les automobilistes à la présence de cyclistes.
À gauche, un double-sens cyclable non sécurisé pour les cyclistes, très vulnérables face aux véhicules motorisés. A droite, un double-sens cyclable sécurisé par des balises qui sont régulièrement détériorées par des véhicules.
Enfin certains aménagements vont donner le doute au cycliste, sans panneaux explicites chacun pourra se penser dans son droit de passer. Dans une ville ouvertement touristique toute l’année, il est important d’adapter la signalisation pour qu’elle soit comprise efficacement.
Deux intersections au régime de priorité flou. Franchies quotidiennement, elles peuvent générer appréhension et tensions.
Le travail pour apaiser ces axes se réalise petit à petit avec l’évolution du PLU qui permet d’éviter les raccourcis par des zones de rencontre mais aussi la signalisation explicite et l’éducation. La sérénité des cyclistes ne se contente pas de l’annonce d’une baisse de la vitesse à 40km/h.
Le tram, un refuge indispensable
Les cyclistes doivent donc trouver des alternatives afin de garantir leur sécurité durant leur trajet. Sur des axes sans aménagement, ou lors d’un contexte particulier comme la neige ou les rafales de vent, l’alternative la plus adaptée reste de mixer vélo et tramway.
En effet, le réseau de tram n’est pas un moyen de transport en opposition avec le vélo, il peut devenir pour les cyclistes un refuge temporaire pour pallier un doute de risque d’agression, une météo subitement trop dangereuse ou la survenue d’un symptôme médical peu rassurant (vertiges, difficultés cardiaques…). La sécurité, c’est avant tout l’anticipation des problèmes, et offrir ce droit de prendre son vélo dans le tram est, dans une moindre mesure, une solution contre la peur que peuvent ressentir à un moment donné certaines personnes qui se déplacent à vélo.
Sans carrosserie ni verrou, cyclistes comme piéton·nes se retrouvent encore trop souvent sur des infrastructures inadaptées puisqu’optimisées pour la voiture. En négligeant les aménagements et en demandant de partager la vigilance autant que la route, certaines mobilités se retrouvent plus activement victimes d’une insécurité jamais douce. Ainsi, les mobilités actives deviennent les victimes collatérales des infrastructures inadaptées.
Le sentiment de sécurité n’étant pas uniquement lié à l’infrastructure, nous vous invitons à participer à l’enquête de l’université de Géographie et à partager votre ressenti sur la plateforme Pédaleurs-pédaleuses.
Si votre parcours comporte des aménagements ponctuels à corriger, n’hésitez pas à faire un signalement sur notre plateforme Vigilo !
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